LEMONDE.FR | 22.06.10 | 07h27 • Mis à jour le 22.06.10 | 08h20
AFP/BERTRAND LANGLOIS
Plusieurs milliers de manifestants chinois ou d'origine chinoise – 8 500, selon la police – ont défilé, dimanche 20 juin, dans le quartier de Belleville à Paris pour protester contre les violences dont ils sont la cible.
Les citoyens de Belleville veulent vivre tranquillement après vingt ans de laxisme. Soit on déménage tous, soit on manifeste pour le droit à la sécurité." Taki Zhang, l'un des porte-parole du collectif des associations franco-chinoises à l'origine de la manifestation du dimanche 20 juin, dénonçant "les violences inouïes" subies par la communauté asiatique dans le quartier parisien de Belleville, accuse le laisser-faire "des politiques et de la police", qui ont "laissé la situation pourrir". Et prévient que les habitants sont "prêts à redescendre dans la rue" pour manifester leur mécontentement.
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Dimanche 20 juin, plus de 8 500 personnes, essentiellement issues de l'immigration asiatique, ont arpenté le pavé aux cris de "J'aime Belleville ! Sécurité pour tous !". Du jamais vu pour cette communauté d'ordinaire discrète. "Si on a organisé un tel évènement, c'est que les choses sont graves", explique Taki Zhang. Les associations franco-chinoises, soutenues par la mairie du 20e arrondissement de la capitale, pointent du doigt l'insécurité dont est victime la communauté. "Chaque famille a été touchée par cette violence. Mais pas d'amalgame, cette violence n'est pas raciste", nuance le porte-parole.
"FANTASMES" SUR LA COMMUNAUTÉ CHINOISE
Pour Romain Guillonnet, président de l'Hed (l'Hébergement différent), association de réinsertion qui œuvre notamment à Belleville, ces agressions commises par des "bandes de petits jeunes qui traînent et déconnent" seraient dues à des "fantasmes" sur les Chinois. "Il y a deux grands fantasmes : les Chinois auraient l'habitude de transporter beaucoup d'argent liquide sur eux, et les sans-papiers n'oseraient jamais porter plainte en cas d'agression."
Une analyse partagée par Frédérique Calandra, maire PS du 20e arrondissement. "Les sans-papiers n'ont pas de compte en banque, l'argent circule de main en main avec le travail au noir. Ces pratiques ont attiré l'attention des malfrats", qui, d'après Romain Guillonnet, "ciblent ceux qui ont de l'argent, du moins dans leur esprit. Ce pourrait tout aussi bien être des Noirs ou des Arabes, c'est une question d'argent, pas de racisme".
"LES CHINOIS DE BELLEVILLE", UNE COMMUNAUTÉ COMPLEXE
Malgré ces violences, rien ne garantissait que la communauté réussisse à s'unir pour manifester. "La mobilisation nous a beaucoup surpris ; on avait des doutes sur le succès de cette opération", affirme Romain Guillonnet. Car les "Chinois de Belleville", comme on les appelle un peu trop rapidement, sont loin d'être un ensemble homogène. Dans ce quartier populaire recouvrant quatre arrondissements (10e, 11e, 19e et 20e) se croisent les boat people, arrivés à la fin des années 1970 et provenant de l'Asie du Sud-Est, et une immigration plus récente, entremêlant réfugiés politiques, économiques et businessmen.
"Ils ne vivent pas dans le même monde. Les boat people savaient qu'il n'y avait aucun retour en arrière possible en arrivant en France et s'intègrent, tandis que les hommes d'affaires sont là pour faire de l'argent et ne prennent pas la peine d'apprendre le français", explique Romain Guillonnet. En ajoutant les différences linguistiques – tous ne viennent pas des mêmes pays ou des mêmes régions chinoises – et culturelles (les anciens boat people se plaignant du manque d'éducation des "campagnards" arrivés après eux), on comprend le manque d'unité de cette communauté. Seul point commun : la discrétion et le repli.
ORIGINE FLOUE DU MOUVEMENT
La manifestation de dimanche est donc d'autant plus une surprise. Mais à l'heure actuelle, difficile de savoir qui en est à l'origine. Pour Romain Guillonnet, la communauté chinoise du 3e arrondissement serait un des moteurs de l'action, accompagnée par les autres foyers asiatiques historiques du 13e et d'Aubervilliers, mieux organisés. "Plusieurs associations chinoises et franco-chinoises ont revendiqué la manifestation. Moi-même je n'arrive pas à déterminer qui est l'organisateur", confie la maire du 20e arrondissement.
La mairie se félicite du mouvement, signe "très positif d'intégration, la manifestation faisant partie des codes culturels français", tout en se méfiant des tentatives de récupération de l'extrême droite, avec "des interlocuteurs qui s'autoproclament organisateurs, alors qu'on ne les a jamais vus dans le quartier". "Ce n'est pas une manifestation des Chinois, conclut Taki Zhang, c'est un mouvement de citoyens qui veulent vivre en sécurité."
Chloé Woitier
Source:
http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2010/06/22/les-chinois-de-belleville-se-disent-victimes-de-fantasmes_1376480_3224.html
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